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Voyage à Madagascar Maurice et Rodrigues
En voiture louée en partie dans les petits villages là où
On ne rencontre que très peu de touristes

« Si seulement, un jour, tu pouvais m’écrire… »

J'ai rencontré S. un peu par hasard. Il y a des êtres que l'on croise, sans plus, et d'autres qui font un peu dévier votre trajectoire...
Aller savoir pourquoi ?

S. a  26 ans. Elle est fille unique et vit avec sa mère à M., la deuxième plus grande ville de Madagascar. M., qui est aussi un grand port, est renommé pour sa chaleur tropicale, humide, végétale... et étouffante.

S. m'explique qu'elle est institutrice, mais dans le privé seulement. Son diplôme n'est pas agréé. Il y a un an sa maman lui a demandé de trouver du travail pour contribuer au budget. Et voilà que, par chance, elle trouve un emploi d'institutrice dans le petit village d’ A. situé à cinquante kilomètres de M.. 360 habitants, mi-cultivateurs mi-pêcheurs et… vraiment beaucoup d'enfants.

On lui promet un contrat de douze mois "qui se renouvellera"! Dans ce village, pour 80 enfants, seulement deux institutrices qui couvrent toutes les classes et toutes les matières. Et un directeur pour superviser !

Quand elle arrive au village la situation semble désespérée. Les enfants, négligés, ne se lavent presque jamais et ne connaissent pratiquement pas le savon ! En classe, les odeurs l'incommodent à un tel point qu'elle en a des hauts le coeur et qu'elle décide d'en parler au directeur. Le directeur lui conseille d'écarter un peu son pupitre de ceux des élèves !

Et voilà, pour lui, le problème est réglé !

Quant à ce directeur, il est marié mais sa femme vit "ailleurs". Il a beaucoup de maîtresses et n'est pas fort disponible pour ses élèves... Quant à sa collègue, elle a douze enfants et doit aussi s'en occuper... le mari, lui, veille à ses propres enfants qu'il a laissé naître dans le village d'à côté. A Madagascar c’est courant une femme qui vit, seule parfois, avec douze enfants.

S. va apprendre aux élèves les rudiments de l'hygiène; à creuser un trou pour y faire une fosse d'aisance, eux qui allaient un peu partout dans la nature; à construire bancs et tabourets; va leur demander d'aller chercher des branchages et du kapok pour construire son lit et remplir son matelas; va apprendre aux élèves les premières notions de calcul et d'écriture...

Après trois mois le maigre salaire mensuel promis ne suit pas ! Elle n'est pas riche mais continue parce qu'elle aime ces enfants. Peu après, on lui dérobe le peu d'argent qui lui reste et le pendentif que son copain lui a offert. Maintenant elle n'en peut plus, bien que les parents des élèves lui apportent de temps en temps un bol de riz...

Je regarde S. pendant qu'elle me raconte son histoire devant sa limonade. Un " Bonbon Anglais" ! Pourquoi ce nom stupide donné à ce breuvage made in "Coca-Cola" ? S. est grande et mince. Superbement proportionnée. Une longue chevelure noire, légèrement frisée, tombe sur ses épaules. Et ses yeux noirs écarquillés me regardent.

Elle me raconte que sa mère vit seule, que son papa est parti, qu'elle n'a plus de nouvelles de lui depuis fort longtemps, que sa mère n'a pas pu payer la fin de ses études et que c'est pour cela que son diplôme n'est pas homologué.

Elle me demande si je veux la raccompagner chez elle. Je rencontrerai sa maman. Et puis elle me dit:

-"Si tu veux, je vais te montrer ce village où j'ai enseigné pendant près de six mois"

J'accepte.

Chez elle, tout est simple mais super propre. Le luxe n'existe pas et même l'indispensable fait défaut. Maison plein centre ville mais pas de raccordement à l'eau, ni même à l'électricité. Le soir, on cuisine au charbon de bois dans le noir ou dans les dernières lueurs de la journée, avant 18h. On mange tous les jours le même riz malgache agrémenté d'un peu de légumes et parfois d'un peu de poisson. L'eau est commandée au porteur. On peut aussi aller la chercher à la pompe moyennant quelques sous. Dans le magasin d’un petit village on m’a montré et donné la plus petite pièce de monnaie que j’aie vu au cours de tous mes voyages. Un cfa. Il en faut cinquante pour faire un ariary, et 2400 ariary font un euro !!! On cuisine au bois ou au charbon de bois que l'on achète au jour le jour.

Maison simple en briques d'adobe, toit en tôles ondulées, portes et petites fenêtres découpées hors de bidons de 200 litres d'essence, comme ceux qui marquent les coins les plus reculés du monde ou servent de repère sur les pistes de certains déserts. Mais grande maison quand même, quelques pièces et une troisième chambre pour les "invités".

Le soir, je cuisine un poulet au curry pour S. et sa maman. Et je suis invité à rester loger, dans la troisième chambre…

Demain grand départ pour A.

Ma petite voiture rouge prend la piste asphaltée. Après 20 kilomètres, on vire vers l’inconnu. Un de ces chemins qui ne mènent pas vraiment quelque part. Le bout du monde ?

Un paysage désertique, quelques flaques quand même, de profondes ornières, cadeau laissé par les camions les saisons précédentes, blessent la piste outrageusement. Il faut négocier la piste. Savoir composer avec les passages difficiles car étroits et les à-côtés de délestage.

Quelques grappes de cocotiers, quelques bas nuages blancs qui traînent dans le ciel sans vent, quelques charrettes tirées par des zébus et qui transportent des sacs de riz ou des branchages, quelques cases isolées … font partie du paysage.

S. vers où me conduis-tu ? Vers la lisière d’un endroit où vivent encore quelques hommes ? Là où l’homme doit abandonner son véhicule pour continuer à pied ? Là où le costume n’a plus aucun sens ?

Et puis S. me dit :

- «On y arrive ! On va laisser le véhicule à la mairie et continuer … »

Le village de B. incrusté dans sable et poussière semble un sas infranchissable.

Il reste six kilomètres et demi, dit-elle.

Et nous voilà partis sur la piste où ne passe plus aucun véhicule motorisé. Et je suis S. une bouteille d’Eau Vive d’un litre et demi dans chaque main. En tout, cela nous fait six litres d’eau pour notre « périple ». Le soleil est lourd mais supportable. On contourne de nouvelles flaques stagnantes, on se déchausse pour passer une rivière au fond sablonneux (aïe, la bilharziose !), on passe trois maisons où vivent quelques habitants. Dix enfants jouent dans la poussière avec des bouts de bois figurant des camions. Quelques plans de maïs, un peu de manioc, quelques bananiers, des petits carrés verts clairsemés de riz produisent un peu de nourriture.

Oh ! Toi Dieu ! Pourquoi abandonnes-tu tous ces hommes là ! Tes « Enfants » !

Peu m’importent les réflexions et les élucubrations des théologiens. Moi j’aime aller sur le terrain pour constater comment ce « Dieu d’Amour » traite les hommes.

Des enfants reconnaissent S.. S. reconnaît des enfants. Ah, toi, comment vas-tu ? Et toi, comment t’appelles-tu encore ? Et Lucien ? Ah, il est parti pour Tana !

Mana honé, mana honé, mana honé...

Bonjour, bonjour, bonjour...

Et ton père ... et ta mère … et ta sœur …

Le village est perdu au centre de nulle part. Pas de mission, pas d’hôpital, pas de groupe électrogène, pas d’hôtel, pas de quincaillerie. Mais quand même une petite boutique où acheter deux bougies, quelques nic-nacs pour les enfants et des blocs de savon mal équarris à distribuer de-ci de-là.

S. me présente au directeur de l’école, superbe dans son pagne bien ajusté. Celui qui a de nombreuses maîtresses ! Après une longue discussion, S. m’amène à son logement. Celui ou elle a vécu six mois. C’est une petite pièce de quatre mètres carrés. Je n’y vois goutte… il y fait si noir ! Il est situé sous la pente du toit de la maison du directeur. Tous les murs et la toiture … rien que de la tôle ondulée ! Hauteur du plafond : plus ou moins 1 m 70 ! Pas de fenêtre… aucun meuble ! Juste un petit cadenas symbolique fermait la porte. La nuit tombe très vite sous les tropiques. Les deux pains transportés dans le sac en plastique ont eu le temps de bien sécher. Mais quelle aubaine, cette boite du meilleur « corned beef » acheté à Tana et que j’ouvre en faisant bien attention à ne pas rater l’opération.

A la lueur de la bougie, je fais mon injection d’insuline. Merde, j’ai oublié mes calmants !

La simple tôle ondulée qui sépare la chambre de S. de la maison du directeur diffuse tous les bruits comme une antenne parabolique, mais non céleste ! Et le directeur qui n’en finit pas de raconter des histoires à son amie… Misotch (merci) Je ne comprends rien à ce sbire !

Je dors mal sur le lit trop étroit où l’on est ballotté comme dans une barque sur les vagues, ou comme sur une grosse balle de mousse qui risque de chavirer à tout moment.

A deux heures, bruit d’urine sur la tôle ondulée…

A quatre heures, premiers chants des coqs… il fait encore tout noir. Je tends le bras dans le noir le plus total et vérifie sur ma montre… oui il n’est bien que quatre heures…

Ai-je déjà dormi ? Vais-je encore dormir ?

A cinq heures, nouveaux chants de coqs. Une lueur dorée commence à entrer par quelques interstices entre les tôles.

Pas le luxe, pas le nécessaire, pas même l’indispensable… !

A cinq heures trente, j’entends les pilons qui se répondent… Le travail commence avant que le soleil ne soit trop ardent.

On va dormir avec les poules, me dit S., mais on se lève au chant des coqs. Tu comprends me dit-elle, pour tous ces enfants, j’ai été « leur petit ingénieur sans diplôme ». Après cette phrase, Solange s’arrête et éclate de rire. Tu m’écoutes, dit-elle ? Tu comprends ? « Leur petit ingénieur sans diplôme » ! Et elle rit encore.

A six heures on vient frapper à la porte. « Il est minuit Docteur Schweitzer ! » Les deux zébus commandés sont là, à l’heure ! Et sur la charrette on charge le matelas de S. une tranche de mousse blessée par la vie. On charge un sac de vêtements. On charge une touque métallique remplie d’effets divers. On charge une année d’objets empoussiérés.

Je demande à S.


- «Pourquoi es-tu restée si longtemps, sans plus être payée ? »

Et elle me répond :

-« J’aimais ces enfants ! »

J’ai rapporté tous les effets de S. dans ma petite voiture rouge. Elle était bien remplie !

Le lendemain, chez sa maman, je lui ai dit :

- « Je dois partir maintenant, que puis-je t’offrir pour tout ce que tu m’as donné ? »

Rien, rien, rien, m’a-t-elle répondu. Rien je t’assure !

- « Je voudrais t’offrir quelque chose dont tu puisses te souvenir longtemps »

N’as-tu pas dit que tu étais une institutrice «sans diplôme» et que tu aurais voulu poursuivre tes études ?

J’ai été jusqu’à l’école dont elle m’avait parlé. J’ai réglé son droit d’inscription, ses frais de matériel scolaire et ses trois premiers mois d’études.

-« Après trois mois tu auras une évaluation. Fais la moi parvenir. Je réglerai le deuxième trimestre »
Et je lui ai donné un peu d’argent…
Achète-toi quelques livres.

Si seulement elle pouvait, un jour, m’écrire…

-« Tu m’as vraiment aidé dans la vie, merci »

… mon voyage aurait au moins servi à quelque chose !

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Me voici en 2014, bien des années après ...  J'ai souvent pensé à ce voyage qui a marqué ma vie.  Et à S que je ne pouvais aider beaucoup plus.  En 2014 je suis donc retourné à Majunga, et, peut-être,  un peu pour savoir ce que S. étaitait devenue j'ai rencontré sa mère. Je savais qu'elle avait rencontré un vaza mais je n'en étais pas plus certain que cela.  cela m'aurais fait tellement plaisir que sa maman m'apprenne qu'elle était marié avec un vaza qui l'aimait fort fort.  Et j'ai quitté la maman de s. heureux de ce que j'avais appris. il me semblais tellement normal de lui faire dire que je ne l'avais jamais oubliée.....

 

si seulement un jour elle pouvait me dire que je ne lui ai jamais menti  et que j'ai participé un peu a améliorer son avenir